Impact Santé Afrique a le plaisir d’accueillir Dr. Antonio Nkondjio Christophe dans le cadre de la rubrique #LaMinutePalu. Il est Chercheur entomologiste médical. Avec lui aujourd’hui, nous abordons le thème des vecteurs responsables de la transmission du paludisme.

 

Impact Santé Afrique : Bonjour Docteur ! C’est un plaisir de vous recevoir dans le cadre de cette rubrique. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?

Dr. Antonio Nkondjio : Merci. Je suis le Dr. Antonio Nkondjio Christophe, Chercheur à l’OCEAC et je travaille sur les maladies transmises par les moustiques, à l’exemple du paludisme qui est transmis par les anophèles femelles.

L’OCEAC est une Organisation de Coordination pour la lutte contre les Endémies en Afrique Centrale créée en 1963 à Yaoundé. Nous avons pour mission de : coordonner les politiques et actions de santé au niveau de la sous-région, conduire la recherche appliquée,  former le personnel des pays membres, faire la promotion de la santé et enfin, soutenir les pays en cas d’urgence sanitaire ou de catastrophes.

Impact Santé Afrique : En dehors de l’anophèle dans le cas du paludisme que vous venez de mentionner, quelles sont les autres maladies transmissibles par des piqûres de moustiques ?

Dr. Antonio Nkondjio : Il y a la Dengue et le Chikungunya qui sont des maladies transmises par des moustiques du genre Aedes. Ce sont ces moustiques qui vous piquent en journée dans les parcs ou en forêt. S’ils sont infectés, ils peuvent vous transmettre ces deux maladies, et d’autres telles que la fièvre jaune. Il y a également les filarioses qui sont transmises par d’autres espèces de moustiques qu’on appelle les Culex, très présents en milieu urbain. Ce sont ces moustiques qui chantent dans vos oreilles la nuit lorsque vous dormez.

Impact Santé Afrique : Au sujet de vos de recherches, quels sont les travaux que vous menez ?

Dr. Antonio Nkondjio : Nous menons des recherches dans différents domaines au Cameroun, principalement sur les outils mis en place par le Ministère de la Santé Publique pour lutter contre le paludisme.

S’agissant des moustiquaires imprégnées par exemple, nous mesurons à la fois leur efficacité et la résistance des moustiques pour en faire des recommandations au Ministère de la Santé Publique. Parallèlement, nous élaborons des projets de lutte anti-larvaire comme récemment à Yaoundé pour combattre la prolifération des gites larvaires imputables à l’insalubrité. Il est question pour nous de voir si la conjugaison de ces deux méthodes (utilisation des moustiquaires imprégnées et lutte anti-larvaire) permettrait le renforcement de la lutte contre le paludisme.

Impact Santé Afrique : Avec le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) du Cameroun, vous avez réalisé une étude très instructive sur les gites larvaires. Que faut-il en retenir ?

Dr. Antonio Nkondjio : Il serait intéressant de noter que la lutte contre le paludisme peut être menée de différentes façons : soit en s’attaquant directement aux moustiques adultes, dans ce cas on a le choix entre utiliser les moustiquaires imprégnées ou alors pulvériser dans les maisons ; mais on peut également s’attaquer aux moustiques à l’état larvaire lorsqu’ils se retrouvent dans les mares d’eau autour des habitations, évitant ainsi l’émergence des larves adultes. C’est ce qu’on appelle la lutte anti-larvaire.

Avec le PNLP, nous avons traité les mares d’eau stagnante dans la ville de Yaoundé avec un larvicide biologique qui est le Bacille Stirugien 6. La particularité de ce bacille recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé est qu’il élimine sélectivement les larves de moustiques, mais épargne les autres espèces. Nous avons ainsi pu réduire de façon significative la densité de moustiques autour des habitations et par conséquent la transmission du paludisme à l’homme.

Ces résultats sont très intéressants et montrent qu’il faudrait continuer à évaluer cet outil pour que le Ministère de la Santé Publique puisse atteindre l’objectif de l’éradication du paludisme au Cameroun.

Vous pouvez facilement reconnaitre les larves de moustiques dans les mares d’eau.

Impact Santé Afrique : L’effet du traitement anti-larvaire est-il définitif sur une mare d’eau ?

Dr. Antonio Nkondjio : Je voudrais dire ici que l’effet lorsqu’on traite une mare d’eau n’est pas définitif – c’est le point faible de cette stratégie qui impose un traitement régulier des gites afin de contrôler les moustiques et de réduire leur densité. Malgré cela, ce traitement est important dans le sens où les moustiques deviennent de plus en plus résistants aux insecticides.

Pour sensibiliser les populations, nous organisons parfois des rencontres pour leur expliquer ce qu’est le paludisme et montrer aux ménages, par exemple, comment identifier les larves de moustiques dans une mare d’eau.

Impact Santé Afrique : Vous soulevez un point très important Docteur. Comment reconnaitre les mares d’eau qui contiennent des larves de moustiques ?

Dr. Antonio Nkondjio : Si on vous les montre au préalable, il est facile de les reconnaitre par la suite. Les populations peuvent aisément observer les larves de moustiques dans les mares d’eau ; ce sont des organismes que vous allez voir flotter au niveau de l’eau, monter et descendre. Il est donc recommandé de nettoyer et désherber autour des habitations, d’enlever les boites de conserve contenant de l’eau, de nettoyer et de curer les caniveaux. Ceci permettra d’éloigner en même temps les moustiques et le paludisme.

Impact Santé Afrique : Merci Docteur pour toutes ces explications. Avez-vous un message pour les acteurs de la lutte contre le paludisme en guise de conclusion ?

Dr. Antonio Nkondjio : Oui, je voudrai dire qu’ensemble nous pouvons éliminer le paludisme. Je suis convaincu que si les communautés, la société civile, les chercheurs , les autorités sanitaires et les partenaires au développement travaillent en synergie, le paludisme sera éradiqué dans un avenir proche ».

Propos recueillis par Ségolène Moussala,

Senior Communications Officer, Impact Santé Afrique.